Jacques Tourneur (1947)
Robert Mitchum
Kirk Douglas
Janet Greer
Durée : 90 min
Un ex-détective privé, Jeff Markham, est retrouvé dans la ville où il se cache sous un faux nom, par un homme de main du gangster et ancien employeur de Jeff, Whit Sterling .
“La quintessence du film noir …Si le script de La Griffe du Passé frise la perfection dans sa composition, il possède également des dialogues merveilleux … florilège de répliques digne de Casablanca. (DVDCLASSIK)
Ciné-club du Belvédère Saint Martin d’Uriage
Hommage à Jacques Tourneur
Mardi 11 avril 2017
La griffe du passé / Out of the past (1947)
Les films de Tourneur subvertissaient un principe de base de la fiction classique, l’idée que les gens sont maîtres d’eux-mêmes. Les personnages de Tourneur étaient mus par des forces qu’ils ne comprenaient pas. Leur malédiction n’était pas le destin, au sens grec du terme : ce n’était pas une force extérieure ; elle vivait à l’intérieur de leur psyché.
Martin Scorcese
L’un des traits les plus importants de l’œuvre si rare de Jacques Tourneur est l’importance accordée au sentiment d’instabilité, au vertige et au doute. Les personnages sont toujours menacés par un danger latent, diffus dans des films noirs ou d’horreur projections de leur propre angoisse.
Bertrand Tavernier²
Loin de métaphores existentielles et des fatalités malheureuses, Jacques Tourneur tourne une histoire de détective privé : Build my gallows high, adapté par son auteur Geoffrey Homes ( Daniel Mainwaring) sous le titre d’Out of the past/La griffe du passé.
Nous y trouvons une structure partiellement conçu en flash-back et tous les ingrédients alléchants du « cycle noir ». : Manipulations criminelles, trahison, autodestruction, femme fatale, amour fou, lutte pour la survie. Le film les travaille comme autant d’accessoires indispensables sans jamais en privilégier un plutôt que l’autre…
Chef d’œuvre obsédant, Out of the past n’est ni la synthèse du film noir ni sa critique. Sur le plan du scénario, il tient du répertoire des concepts du roman noir au point d’être presque sans surprise. Mais la mise en scène de Tourneur en fait tout autre chose. Elle capte l’invisible contenu dans les images pour cerner l’essence de ce que le film noir transporte toujours en contrebande : l’implacable travail de la mort. Qu’elle ait un visage de femme ou qu’elle soit la réalité profonde inscrite chez celui qui ne fait (inconsciemment) que l’attendre, la mort est le sujet essentiel des auteurs du « cycle noir » ; et pas seulement la mort violente.
Noel Simsolo, Le Film Noir, Vrais et faux cauchemars, Cahiers du Cinéma, 2005
Borde et Chaumeton disent de Out of the past qu’il porte « l’extravagance du film noir à son comble », Tom Flinn en fait le symbole de la phase baroque du genre et James Naremore montre combien il constitue une récapitulation esthétique des effets noirs.
Jean-Pierre Esquenazi, Le Film noir, Histoire et significations d’un genre populaire subversif, CNRS éditions, 2012
La griffe du passé porte l’extravagance du film noir à son comble. Cette agitation absurde, ces meurtres inutiles, cette étrange ambiance nocturne, ces épisodes d’une fulgurante brutalité, ne pouvaient aboutir qu’à la mort des trois protagonistes. On pense à la phrase d’Alfred Jarry : « Alors, je tuerai tout le monde et puis je m’en irai. ». La réalisation elliptique de Jacques Tourneur, la photo, et particulièrement les extérieurs sont tout à fait remarquables. Robert Mitchum prête son ingénuité canaille au personnage désormais classique du détective privé.
Raymond Borde et Etienne Chaumeton, Panorama du film noir américain, Editions de Minuit, 1955