Mardi 28 février 2023 – 20h30
El reino est un film espagnol réalisé par Rodrigo Sorogoyen, sorti en 2018.
Manuel López Vidal est un homme politique influent à l’avenir prometteur. Mais son implication dans une affaire de corruption vient remettre en cause sa réputation. Prêt à tout pour conserver sa place montante au sein de son parti, il va très vite plonger dans une spirale infernale. (Wikipedia)
Critique sur Télérama (abonnés)
EL REINO (Le règne), Rodrigo Sorogoyen
Le héros du film est un homme politique impliqué dans des manœuvres louches que son parti veut exploiter en bouc émissaire.
« Un cri de colère, un sermon politique » pour son réalisateur Rodrigo Sorogoyen ! Véritable narration créative qui évolue au cours du film jusqu’à des scènes de terreur. Un film qui explore les recoins les plus ténébreux de l’âme humaine. Le réalisateur surfe sur la véritable fascination négative des espagnols pour les personnages des scandales…
2018 Grand gagnant des derniers Goya (les César espagnols) avec sept trophées.
film de Rodrigo Sorogoyen réalisateur, scénariste, créateur espagnol né en 1961, 13 ans de carrière, diplômé de l’École de cinématographie de la Communauté de Madrid (ECAM), et spécialisé dans l’écriture de scénarii. En 2011, il crée Caballo Films et – porté par des financements participatifs – réalise Stockholm. Le film s’impose comme l’un des meilleurs de l’année 2013 en Espagne.
(2013 Stockholm, 2016 Que dios nos perdone, 2016 Madre, 2018 El Reino, 2020 série Antidisturbios).
Un thriller politique haletant qui nous plonge dans la corruption massive et institutionnalisée du monde politique qui ébranle l’Espagne depuis les années 2000. Se réfère au premier épisode de scandale qui éclate au grand jour en 2009 et dont l’ensemble est ensuite largement repris par la presse à partir de 2015 à l’occasion de nombreux procès. Le réalisateur s’inspire de personnages et de faits réels en particulier l’affaire « Gürtel» (jeu de mot «Correa*», signifie «courroie» en espagnol, ou «Gürtel» en allemand) qui relate un système de versements de pots-de-vin à des élus PP en échange de juteux contrats publics entre 1999 et 2005, dans différentes régions. Sans les citer, il fait en effet allusion aux affaires tentaculaires de financement illégal du Parti Populaire (PP) entre 2011 et 2018 (leader Marinao Rajoy) et précédemment José Maria Aznar premier ministre entre 1996 et 2004.
*Francisco Correa a été condamné à 51 ans de prison par les magistrats de l’Audience nationale. L’autre grand accusé est Luis Barcenas, l’ancien trésorier du PP, condamné à 33 ans de prison et au remboursement de 44 millions d’euros. Au total : 29 condamnés, pour un total de 351 années de prison.
Analyse et réflexion sur la politique occidentale, un film engagé qui parle des codes moraux et des limites de l’humain. Rodrigo Sorogoyen se dit attaché au parti-pris de ne pas faire un film idéologique qui serait mal reçu (héritage de la guerre civile) dans le contexte des scandales qui secouent l’Espagne. Le protagoniste Manuel Lopez Vidal, incarné par le grand acteur Antonio de la Torre, que l’on suit dans tout le film est charismatique, bon père de famille, et un citoyen qui est pourtant corruptible accusé d’escroquerie, de trafic d’influence, de fraude en tant que premier bénéficiaire d’un détournement de fond européen (ex : requalification de terrains en sol urbain vendu un prix 100 fois plus élevé), subornation récurrente, malversation , tout cela avec une bande d’amis impliqués au niveau régional et visant des postes de pouvoir comme celui de premier ministre.
Direction d’acteurs très appliquée : beaucoup de répétitions, d’improvisateurs pour donner du rythme : nombreux acteurs car le choix est de faire interagir beaucoup de personnes du parti, de la société civile, d’entrepreneurs (médias, banques, compagnie d’électricité, laboratoires, construction, etc), de familles… Beaucoup d’objets d’époque ont été glanés pour figurer dans les plans de coupe, les gros plans et très gros plans (souvent coupés).
Le film se déroule dans trois lieux : la communauté autonome* de Valence, de Madrid et en Andorre
(cf.17 communautés autonomes espagnoles qui chacune assure la gouvernance de leur région).
Les personnages passent d’un lieu à l’autre, lieux de passage propices aux scènes de poursuite se résumant parfois à des abstractions. Rodrigo Sorogoyen nous entraîne dans un tourbillon, dans un labyrinthe. La musique d’Olivier Arson et le son techno, modulé comme le battement d’un cœur, accélère les traques, nous amène dans des endroits dangereux. Ils forment au fil du temps un leitmotiv qui rend de plus en plus nerveux, donnant de l’émotion et du stress qui met en relief la fuite continuelle jusqu’au des-crescendo final.
Geneviève Troyes