Cycle « Films Noirs »
USA, 1949 . Titre original « They live by Night ». 95mn
Réalisé par Nicholas Ray, écrit par Edward Anderson, Nicholas Ray, Charles Schnee
Avec Cathy O’Donnell, Farley Granger, Howard Da Silva
Road Movie tendre et poignant de deux « innocents » dans un monde nocturne et violent.
Le premier film de Nicholas Ray
Trois gangsters viennent de s’échapper de prison : Chicamaw (Howard Da Silva), T Dub (Jay C. Flippen ) et Bowie (Farley Granger) se réfugient chez Mobley le frère de Chicamaw. Bowie y rencontre Keechie (Cathy O’Donnell), la fille de Mobley, dont il tombe amoureux. Mais les trois hommes ne peuvent rester inactifs. Ils organisent un hold-up qui se solde par un succès. Bowie décide d’utiliser l’argent qu’il a gagné pour fuir avec Keechie. Le couple vit alors quelques jours de bonheur dans un bungalow mais Chicamaw, en soif d’action, les retrouve et force Bowie à organiser un nouveau coup…
« Le plus bressonien des films américains » (Jean-Luc Godard)
En 1949, la vision des Amants de la Nuit a représenté le premier choc de ce que devenait le cinéma américain. Le cinéma classique foutait le camp, c’est un nouveau cinéma qui naissait. A partir de là, c’est devenu un de nos deux pôles avec Rossellini : Ray, c’était le sentiment qui venait un peu compenser l’intelligence de Rossellini.
Jean Douchet, préface de Roman Américain de Bernard Eisenschiltz
L’aboutissement de ce principe d’utilisation de l’espace off érigé en véritable système esthétique, fut le premier et meilleur film de Nicholas Ray, Les Amants de la Nuit. Dans ce film de gangsters, tout ce qui était violence se passait hors champ ou était « élidé », ce qui créait indéniablement un ton de « pudeur intense » très particulier.
Noël Burch, Une Praxis de Cinéma, Folio 1986
Les Amants de la Nuit est un film dont on se remet difficilement, un film frémissant qui a exceptionnellement bien vieilli … Les Amants de la Nuit part d’une structure de film noir classique pour jouer avec le genre et en donner une interprétation complétement originale … Avec Les Amants de la Nuit Ray jette les bases d’un style original que l’on qualifiera bien souvent de baroque, mais qui a plus à voir avec un lyrisme fébrile et sans rhétoriques.
C. Musitelli, Les Inrocks
Les Amants de la Nuit est sans doute le plus beau film où l’on voit un couple maudit. Son auteur Nicholas Ray a l’art de décaler le naturalisme en pulsions douloureuses et en crises fébriles. Dès ce premier film, il entre en osmose avec cette attitude qui est le sceau du film noir, mais impose son style et son univers à ce thème de l’évadé incapable de réintégrer la société…Ce couple en fuite n’est pas un prétexte à suspense où à exploration de névroses malheureuses. La sensibilité à fleur de peau de Ray en fait un poème tragique sur l’amour fou et la tendresse.
Noël Simsolo, Le Film Noir, vrais et faux cauchemars, Cahiers du Cinéma, 2005
Nicholas Ray (1911-1979)
A l’âge d’or de la cinéphilie parisienne, dans cet antichambre de la Nouvelle Vague appelée Cahiers du Cinéma, Nicholas Ray était l’objet d’un culte ; comme Samuel Fuller ou Richard Brooks, Ray représentait tout le possible du cinéma alors inaccessible à une production française figée dans l’académisme.
Frédéric Bas, Chronic’Art
Plus que son style, reconnaissable entre mille mais presque aussi difficile à décrire que celui de Losey première manière, c’est la constance de certaines préoccupations morales, d’une certaine attitude devant la vie, qui permet d’aborder de manière synthétique l’un des auteurs les plus importants de la génération d’après-guerre. Chez tous ses héros on découvre un trait commun : la recherche angoissée d’une raison d’être, d’un sens à la vie. Cette réponse à leurs problèmes souvent inconscients, ils pensent la trouver dans la violence qui libère ou donne l’illusion de l’existence.
Bertrand Tavernier, 50 ans de Cinéma Américain, Nathan 1991
Interviewé en 1957 par Les Cahiers du Cinéma, Nicholas Ray expliquait que son « label » personnel avait toujours été « je suis un étranger ici-bas », et il ajoutait « La quête d’une vie remplie est – paradoxalement –solitaire. Je crois que la solitude est très importante pour l’homme, aussi longtemps qu’elle ne lui nuit pas ». Ce destin se réalisera au-delà de toute espérance.
Il y a une Amérique du cinéma, celle de Fritz Lang qui recrée l’espace à partir de sa vision expressionniste européenne, et un cinéma de l’Amérique, celui de Nicholas Ray qui montre le pays tel qu’il est.
Noël Burch
Films principaux :
Johny Guitar I954 A l’ombre des Potences (The hanging Tree) 1955 La Fureur de Vivre (Rebel without a cause) 1955 Le Brigand Bien Aimé (The True story of Jesse James) 1957 La Forêt Interdite 1958