Présenté par MICHEL CIEUTAT , critique et grand connaisseur de Robert Bresson
1957
D’après le livre de André Devigny « Le vent souffle où il veut »
Avec François Leterrier
Prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 1957
Robert Bresson (1901-1999)
« Ce que je cherche, ce n’est pas tant l’expression par les gestes, la parole, la mimique, mais c’est l’expression par le rythme et la combinaison des images, par la position, la relation et le nombre. La valeur d’une image doit être avant tout une valeur d’échange ».
Robert Bresson
Cinéma exigeant, hautain, soucieux d’une forme libérée des codes narratifs forgés au début du parlant, imposant à ses acteurs, dont il souhaite qu’ils n’aient eu aucune activité de comédien avant de le rencontrer, une atonie apparente qui irrite ou fascine, et qui rend aux objets, à la lumière, aux sons (aux bruits) une intensité dramatique inédite.
Jean-Pierre Jeancolas, Histoire du Cinéma Français, Nathan Université, 1995
Si Renoir est le « patron » du cinéma français, Bresson en est l’inquisiteur. D’où la difficulté de se réclamer de lui … d’autant plus qu’il s’est forcé une langue trop personnelle pour être plagiée. Car quand on aura dit que son cinéma (Bresson préfère parler de « cinématographe » afin d’insister sur l’écriture spécifique des images) s’est refusé les « les moyens du théâtre » (acteurs réduits à l’état de récitants à l’intérieur d’une scène que la caméra enregistre froidement), on n’aura pas dit grand-chose.
L’ABCdaire du Cinéma français, Flammarion, 1995
Filmographie sélective : Les anges du péché (1943), Les dames du bois de Boulogne (1945), Le journal d’un curé de campagne 1951), Pickpocket (1959), Le procès de Jeanne d’Arc (1962), Au hasard Balthazar (1966) Mouchette (1967), Une femme douce (1969), Quatre nuits d’un rêveur (1971), L’argent (1983)
Ciné-club du Belvédère- Saint Martin d’Uriage
Mardi 10 mars 2015
Un condamné à mort s’est échappé de Robert Bresson (1956)
Présenté par Michel Cieutat, critique à POSITIF
Avec Un condamné à mort s’est échappé, Bresson réussit ce tour de force – non seulement de refuser les facilités dramatiques d’un sujet –l’évasion – aisément traité en western par d’autres- non seulement d’arriver, en refusant le suspense immédiat, à un suspense psychologique qui tient la salle haletante et silencieuse – mais surtout dans une œuvre aussi pleinement intérieure, à nous nous montrer clairement ce qu’est la morale d’un homme d’action.
Marcel Ranchal, Positif #20, janvier 1957
Une invention constante, mais nulle préciosité dans les cadrages ou les angles de prise de vue. Bresson, comme les grands peintres, a sa touche, son trait décelable à sa pureté sans sécheresse, la douceur jamais molle de ses inflexions. Mais ce film, où l’on vit entre quatre murs et où l’on ne marche qu’à pas feutrés, est un des moins statiques que je connaisse : sa beauté picturale doit avant tout à la noblesse du geste ou du regard, regard à la fois lointain et précis, rêveur ou terriblement attentif, regard du héros en quête d’un graal matériel et spirituel, refusé à son seul dégout, sa seule lâcheté. Ce Lancelot dont Bresson ne put réaliser le projet, le voici enfin, plus beau encore peut être sous le costume moderne.
Eric Rohmer, Cahiers du cinéma, #65, décembre 1956
La vérité c’est que Bresson ne tourne aussi rarement que parce qu’il méprise le cinéma…Un condamné à mort est échappé est la relation d’une captivité et d’une évasion. Sujet beau entre tous, que Bresson détruit systématiquement. Il élimine un à un tous les éléments d’un drame qui pouvait être passionnant.
Ado Kyrou , Positif,#20, Janvier 1957
Un modèle de cinéma dépouillé. Aucune fioriture dans le récit extrêmement minutieux de l’évasion d’un résistant. Dans sa cellule, patiemment, le prisonnier creuse, déblaye, tresse une corde et chacun de ses gestes acquiert une densité incroyable. Pour la première fois de sa carrière, Robert Bresson transforme vraiment l’acteur en modèle, faisant du visage impassible de François Leterrier, un non-professionnel, un support neutre. L’émotion ne naît plus du jeu mais de la tension entre l’action et la voix off. Les dialogues, rares, sont remplacés par un commentaire à la ferveur sourde. L’ode célèbre la volonté du résistant, sans éluder la part de sacrifice mystique. Pour conquérir sa liberté, le détenu passe par un itinéraire – physiquement, spirituellement – très sinueux… Le bonus de cette édition DVD comporte une surprise : le témoignage, plus de cinquante ans après le tournage, en 1956, du discret François Leterrier (devenu réalisateur), qui raconte ce que fut cette unique et singulière expérience de comédien. A cela s’ajoute l’éclairage pertinent du cinéaste Bruno Dumont (La Vie de Jésus, Hadewijch), évident héritier du maître, mais qui prend soin de souligner, aussi, ce que Bresson devait à d’autres, notamment à Carl Dreyer.
Un condamné à mort s’est échappé, de Robert Bresson,.
Jacques Morice
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